Paris Observatory
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6 septembre 2017: une soudaine recrudescence de l'activité solaire

L'activité solaire, qui suit un cycle d'environ 11 ans, était très faible depuis plusieurs années. Même au maximum du cycle, en 2014, le nombre de taches solaires était bien plus faible que lors des cycles précédents. Nous sommes actuellement en route vers le prochain minimum d'activité, attendu vers 2018 ou 2019.
Mais depuis plusieurs jours s'est formé un groupe complexe de taches solaires, qui annonçait une recrudescence de l'activité (image dans la raie du calcium de l'Observatoire de Meudon ci-dessous).





Le 6 septembre, vers 11:57 temps universel (13:57 en France), une grosse éruption solaire a démarrée. Le flux en rayons X mous, qui est la référence usuelle pour l'importance d'une éruption, est monté à un niveau (X9, voulant dire que le flux maximum observé depuis la Terre était 9⋅10-4 W/m2) qui n'était plus observé depuis 12 ans (le dernier événement plus fort était un sursaut classé X 17 le 7 Septembre 2005). L'émission X est due au chauffage de la région éruptive dans la couronne solaire à des températures de plus de 10 millions de degrés.



Le spectrographe ORFEES de la station de radioastronomie de Nançay (Région Centre) a observé une émission radio intense, sur une grande gamme de fréquences ("sursaut de type IV"). Ce type d'émission est typique d'une éjection coronale de masse qui produit une perturbation majeure du champ magnétique dans la couronne solaire. Dans cette restructuration du champ magnétique, des électrons sont accélérés à de hautes énergies et deviennent des émetteurs radio efficaces.


Cet événement solaire a accéléré des protons et ions à de hautes énergies et les a éjectés dans l'espace interplanétaire, où ils ont été détectés par les satellites géostationnaires GOES (NOAA, USA). L'évolution sur les 2 jours 5-6 septembre du flux des particules mesuré par GOES est montré dans la Figure ci-dessous. La courbe rouge montre les protons à des énergies au-dessus de 10 MeV. Leur flux était important depuis une éruption solaire peu spectaculaire mais ayant donné lieu à une éjection de masse coronale, le soir du 4/09. Aux énergies plus élevées, au-dessus de 50 MeV (courbe bleue) et 100 MeV (courbe verte), le flux monte brusquement avec la grosse éruption du 6 septembre. En revanche, aucun signal n'est détecté aux énergies encore plus élevées, au-dessus de 500-1000 MeV, qui sont observées par le réseau de moniteurs à neutrons sur Terre. Le tracé montre les taux de comptage mesurés par différentes stations de ce réseau mondial. Ces données sont accessibles via la base de données www.nmdb.eu. Un deuxième tracé de ces memes instruments montre la décroissance du taux de comptage du rayonnement cosmique due à l'arrivée, en fin de journée le 06/09, de l'éjection de masse coronale de l'éruption du 04/09. On parle dans ce cas d'effet "Forbush". Cet effet devrait se reproduire le 08 ou le 09 septembre du fait de l'ejection de masse du 06/09






Que ferons-nous de ces observations ?

D'une part, les chercheurs les utiliseront pour mieux comprendre les processus physiques en jeu: Quelle est la relation entre les processus qui chauffent la couronne dans la région active à des températures de quelques dizaines de millions de degrés, l'éjection de masse, et l'accélération des particules que nous observons aux voisinage de la Terre ? Comment les particules sont-elles accélérées à de hautes énergies ? Sous quelles conditions et quand s'échappent-elles dans l'espace interplanétaire ? Et: pourquoi cet événement-ci n'a-t-il pas accéléré des particules aux hautes énergies qui ont été vues par les moniteurs à neutrons dans d'autres grandes éruptions solaires du passé ?

D'autre part, nous nous interrogerons sur les impacts d'un tel événements sur la Terre. Le fort rayonnement X ionise la haute atmosphère de la Terre et peut causer des perturbations des communications radio HF. L'émission radio peut interférer avec les signaux GPS et radar. Les particules de haute énergie peuvent interagir avec l'électronique à bord de satellites et ioniser la haute atmosphère terrestre dans les régions polaires, au-dessus de 50 km d'altitude. L'absence de signal vu par les moniteurs à neutrons nous montre déjà que ces particules n'ont pas pénétré profondément dans l'atmosphère de la Terre, où elles auraient pu avoir un impact sur l'aviation par exemple.

Karl-Ludwig Klein
Nicolas Fuller
Abdallah Hamini

Observatoire de Paris – LESIA et Station de radioastronomie de Nançay